Rencontre avec Lucy Baudo, diplômée AVÌìÌà Paris et responsable RSE chez Sud Express
Publié le 22/04/2025
Lucy Baudo, diplômée du programme Stylisme & Création de l'école de mode AVÌìÌà Paris, occupe aujourd’hui un poste doublement stratégique chez Sud Express : coordinatrice RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et coordinatrice de collection. Un parcours atypique qui illustre comment créativité et engagement environnemental peuvent aller de pair dans l’industrie de la mode.
Aujourd’hui, elle nous raconte comment elle a trouvé sa place et pourquoi pourquoi elle est convaincue que les marques ont un rôle clé à jouer dans la transformation du secteur textile.
Du stylisme à l’engagement : un parcours en évolution
Q : Peux-tu nous raconter ton parcours depuis l'école de mode AVÌìÌà Paris jusqu’à aujourd’hui ?
R : Après mes études à AVÌìÌà Paris, j’ai commencé par un stage chez Zadig & Voltaire, en tant qu’assistante qualité-modéliste. Ensuite, j’ai travaillé chez DIM en tant que styliste, puis je suis partie vivre à New York.
De retour en France, j’ai été styliste pour plusieurs marques (Promod, Camaïeu, Grain de Malice…), avant de rejoindre en 2021. Très vite, on m’a proposé d’élargir mon rôle en intégrant la dimension RSE, tout en conservant une part de coordination de collection.
Aujourd’hui, je consacre environ 80 % de mon temps à la RSE, ce qui inclut l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de responsabilité sociétale de l’entreprise. Les 20 % restants sont dédiés à la coordination de collection : j’encadre les différentes étapes de création, et je veille à la bonne collaboration entre les ateliers et les chefs de produits pour assurer la cohérence et la qualité des collections.
Q : Quel souvenir gardes-tu de tes années à à l'école de sytlisme AVÌìÌà Paris ? Une expérience ou un enseignement qui t’a particulièrement marquée ?
R : C’était une formation très orientée création et je me souviens avoir toujours cherché à intégrer une dimension éthique dans mes projets. Par exemple, j’avais imaginé une marque nommée ²Ñ¾±³¾Ã©³Ù¾±²õ³¾±ð, inspirée de la façon dont les animaux s’adaptent à leur environnement. L’idée était de créer des vêtements techniques pour le sport, tout en minimisant leur impact environnemental ce qui est un vrai défi quand on sait que le sportswear utilise beaucoup de matières issues de la pétrochimie.
Même si à l’époque, la filière RSE dans la mode n’existait pas vraiment, j’avais déjà cette envie de faire autrement.
Q : En quoi les enseignements reçus à AVÌìÌà Paris te servent-ils aujourd’hui dans ton travail ?
R: Les enseignements que j’ai reçus à l'école de mode AVÌìÌà Paris me servent surtout aujourd’hui sur la partie plus stratégique : les études de marché, les achats, la compréhension du positionnement produit… J’ai finalement plus souvent les mains dans Excel que dans Illustrator. C’est vrai que j’étais dans une filière très orientée création, et même si je m’en éloigne un peu aujourd’hui, j’essaie toujours de garder en tête ce que j’y ai appris.
Cela dit, c’est vraiment à travers les stages et l’alternance que j’ai consolidé mes compétences. Ces expériences sur le terrain m’ont énormément apporté, et aujourd’hui encore, je m’appuie régulièrement sur ce bagage. C’est une fois dans le monde professionnel qu’on apprend le plus, c’est là qu’on affine sa posture, qu’on comprend les vraies contraintes du métier et qu’on gagne en ²¹»å²¹±è³Ù²¹²ú¾±±ô¾±³Ùé.
Faire le lien entre production et transition écologique
Q : Tu occupes un double poste chez Sud Express, à la fois en tant que coordinatrice RSE et coordinatrice de collection. Comment s’organise ton quotidien ?
R : Ce qui est stimulant, c’est que mes journées ne se ressemblent jamais. La partie RSE est plus stratégique, avec beaucoup de veille et de coordination de projets à long terme. Tandis que la coordination de collection demande une grande réactivité : quand un produit manque dans le showroom, il faut trouver une solution tout de suite.
Quand j’ai des moments plus calmes côté collection, j’en profite pour me poser et vraiment avancer sur les projets RSE, qui demandent du temps et de la réflexion. Parfois, la dynamique plus « terrain » de la mode me manque un peu, alors je rechausse ma casquette de coordinatrice de collection. C’est cet équilibre entre les deux qui rend mon quotidien riche.
Ce double rôle me permet aussi de garder un lien fort avec les produits, ce qui est essentiel pour intégrer la RSE dès la phase de conception.
Q : Comment fais-tu le lien entre création de collection et stratégie RSE ?
R : Le fait d’avoir une vision globale de la collection me permet d’anticiper certains choix de matières ou de fabrication. Par exemple, je peux alerter quand un produit contient un mélange de trois fibres différentes, ce qui rend son recyclage impossible. Je travaille aussi avec les équipes stylistes et modélistes sur des principes d’éco-conception, comme le fait d’aligner les doublures sur la matière principale pour rester en monomatière.
Ce lien est essentiel : si on se contente d’intervenir à la fin de la production, on passe à côté de l’impact réel que la RSE peut avoir.
Q : Quelles sont les principales actions RSE mises en place chez Sud Express, et quel a été ton rôle dans leur développement ?
R : Chez Sud Express, j’ai contribué à structurer plusieurs projets RSE concrets.
L’un des plus importants, c’est la ³Ù°ù²¹Ã§²¹²ú¾±±ô¾±³Ùé. On travaille avec : dès que la production d’un produit est lancée, je leur transmets toutes les informations nécessaires. En sept semaines, ils me renvoient un arbre de ³Ù°ù²¹Ã§²¹²ú¾±±ô¾±³Ùé complet, ce qui me permet d’analyser tout le parcours du produit.
Je travaille en parallèle sur notre reporting extra-financier, qui évalue nos risques en matière d’environnement et de gouvernance sur l’ensemble de notre chaîne de valeur. On vient aussi de réaliser notre premier bilan carbone, et à partir des résultats, on va pouvoir définir une stratégie bas carbone.
En 2025, on aimerait aller encore plus loin, en développant un service de réparation pour nos produits, et en éliminant le plastique à usage unique sur nos livraisons e-commerce et nos flux inter-boutiques.
Mon rôle, c’est de coordonner tous ces projets, de repérer ceux qui sont prioritaires ou réalisables rapidement, et d’impliquer les bonnes équipes au bon moment.
Q : As-tu toujours su que tu voulais évoluer dans la mode avec une dimension RSE, ou est-ce une conviction qui s’est affirmée au fil du temps ?
R : Ce n’était pas un objectif dès le départ, surtout parce que le métier tel qu’il existe aujourd’hui n’existait pas encore à mes débuts. Mais j’ai toujours été sensible à ces sujets. Et plus j’avançais dans ma carrière de styliste, plus j’étais en décalage avec certaines demandes absurdes, comme quand on m’a demandé de développer une culotte à moins de 10 centimes.
À un moment donné, j’ai commencé à ressentir une vraie dissonance entre ce que j’aimais faire (le style, la création…) et ce que cela impliquait concrètement pour la planète. Pour moi, ça ne correspondait plus. C’était difficile de continuer à concevoir des produits en sachant l’impact environnemental qu’ils allaient avoir. C’est cette prise de conscience qui m’a poussée vers la RSE.
Q : Y a-t-il un projet en particulier qui te tient à cœur ?
R : Oui, la gestion des déchets, particulièrement le plastique à usage unique. Aujourd’hui, on utilise encore énormément de polybags, ces plastiques qui emballent les vêtements à l’unité pour la logistique. On ne peut pas s’en passer totalement, mais je cherche activement des solutions pour les réduire ou les rendre réutilisables. Ce sont ces sujets-là , très concrets, qui me passionnent.
Vers une mode plus responsable
Q : Selon toi, quels sont les plus grands défis auxquels fait face la mode aujourd’hui en matière de durabilité ?
R : Le plus gros défi, c’est la transformation des mentalités des consommateurs. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain, mais on doit commencer quelque part. La mode reste une industrie très rapide, tournée vers l’image et la nouveauté. Il faut donc trouver le bon équilibre entre créativité, production et responsabilité.
Q : Comment vois-tu évoluer les métiers de la mode dans les prochaines années, notamment ceux liés à la RSE ?
R : Je pense que les métiers de la mode, notamment ceux liés à la RSE, vont continuer à évoluer dans le bon sens. On le voit déjà à travers l’évolution des business models. Je travaille aujourd’hui dans une marque issue d’un modèle traditionnel, où l’objectif premier était de vendre des vêtements pour générer du chiffre d’affaires. Les choix de matières, par exemple, étaient surtout guidés par les prix et ensuite, seulement, on regardait leur impact environnemental.
À l’inverse, de plus en plus de marques émergentes construisent leur modèle autour de produits durables, de qualité, pensés dès le départ pour être responsables. Elles commencent par définir un cahier des charges exigeant, puis vont chercher les matières qui y répondent.
Ce que je trouve passionnant dans mon poste actuel, c’est justement d’être dans une structure qui n’était pas, au départ, engagée sur ces questions. Ça veut dire qu’il y a tout à construire. Et si la direction est prête à suivre alors tout devient possible.
Q : Quels conseils donnerais-tu à un(e) étudiant(e) qui veut s’engager dans une carrière mode & développement durable ?
R : Restez curieux, informez-vous constamment. Il faut aimer chercher, lire, comprendre les enjeux techniques et réglementaires.
Sans curiosité, on stagne. Que ce soit en création ou en RSE, si on ne se remet jamais en question, si on ne se nourrit pas de ce qui évolue autour, on finit par tourner en rond. En tant que styliste, on refait toujours les mêmes pièces. Et en RSE, on se contente d’appliquer les lois sans aller plus loin. La curiosité, c’est ce qui permet de progresser, d’innover, de sortir du cadre.
Et surtout, n’hésitez pas à créer votre propre place : il n’y a pas encore de parcours tout tracé. La RSE dans la mode est encore un territoire en construction. C’est ça qui est passionnant.
L’industrie de la mode est en pleine transformation, et les profils capables de conjuguer vision créative et conscience environnementale sont plus essentiels.
À AVÌìÌà Paris, nos programmes de Bachelor en Fashion Marketing & Management et en Stylisme & Modélisme intègrent tous deux la durabilité comme un principe fondamental dans l'ensemble de leurs cursus. Cette approche fondatrice façonne la manière dont les étudiants abordent les modèles commerciaux, les chaînes d'approvisionnement et la création de design, avec un accent inhérent sur les pratiques éthiques et éco-responsables. Cette approche intégrée de la durabilité est approfondie au sein de nos programmes bac +5 - cycles expert, offrant des diplômes spécialisés pour les étudiants en business de la mode et en design.
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