Gauthier Borsarello : penser la mode en dehors des tendances
Publié le 25/04/2025
De musicien à directeur artistique reconnu, Gauthier Borsarello a partagé son expérience avec les étudiants d’AV Paris lors d’une masterclass animée par Piu Piu. Il est revenu sur les grandes étapes de son parcours, ses influences et son regard sur la création. Les étudiants ont pu l’interroger sur sa vision de la mode et son rapport au vêtement
De la musique à la mode : un virage guidé par la passion
Avant d’insuffler une nouvelle vision au menswear français, Gauthier Borsarello menait une carrière de musicien professionnel à l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Mais en parallèle des concerts, il entretenait une autre passion : celle du vêtement, et plus particulièrement du vintage.
Dès l’adolescence, il passe ses week-ends sur les marchés aux puces et ses soirées à chiner en ligne ce qui façonne sa compréhension du style et de la qualité. « Les vêtements vintages m’ont appris ce que c’était un bon jean, un bon vêtement, un bon T-shirt vintage », confie-t-il. Leur étude attentive lui a permis de se forger un œil critique, à développer une esthétique et de se rendre compte que la musique ne comblait plus son « envie de création ».
Le déclic est venu d’une remarque de sa compagne de l’époque, qui l’encourage à suivre sa véritable vocation : « Un jour, elle m’a dit : tu n’as plus envie d’aller à l’orchestre, tu n’aimes pas les tournées, ni la vie avec l’orchestre… Mais tu te lèves à 5h du matin pour aller chiner chaque week-end, tu passes tes soirées sur eBay. Alors pourquoi ne pas en faire ton métier ? »
Cette prise de conscience le pousse à tout quitter, sans plan de carrière ni réseau, pour commencer comme vendeur chez Ralph Lauren. Un chemin atypique et guidé par la certitude que la éپé doit toujours primer sur les logiques purement commerciales.
Lors de sa masterclass à AV Paris, il a encouragé les étudiants à écouter cette petite voix intérieure. Selon lui, suivre une passion, même lorsque le chemin semble incertain, est souvent ce qui permet de construire un parcours singulier et durable.
Être directeur artistique : L’importance de créer une identité de marque
Lorsqu’il prend la direction artistique de , une marque française historique, celle-ci est en perte de vitesse. La pandémie a bouleversé les usages et son positionnement centré sur les vêtements de bureau n’est plus viable. Gauthier Borsarello doit alors tout repenser.
Sa première décision : créer une identité de marque qui guide l’ensemble de la création. Il choisit comme pilier d’inspiration la France des Trente Glorieuses, une époque de renouveau, d’élégance fonctionnelle et de rigueur discrète. À partir de cette époque, il imagine un personnage, un client type, une esthétique précise. Toute idée qui ne rentre pas dans cette identité est écartée, même si elle pourrait être rentable.
Pour lui, une marque forte repose sur une direction claire, incarnée par une seule voix : « Si tout le monde décide, la cohérence disparaît. ». Il refuse ainsi de céder aux tendances : « Si ce n’est pas dans l’ADN de la marque, même si ça se vend, je ne le ferai pas. » Une position courageuse, qui peut entrer en tension avec les exigences d’un marché pressé de générer du chiffre. Pourtant, pour lui, construire une marque forte nécessite du temps, de la cohérence et une vision à long terme.
Son parcours personnel en témoigne : c’est dans la difficulté qu’il a puisé sa éپé la plus sincère. Pendant la pandémie, sans emploi, hébergé chez ses parents avec deux enfants à charge, il lance un site de vente de vêtements vintage. Une période difficile mais fondatrice : « La lutte fait partie du processus créatif. Elle permet de se poser les bonnes questions. »
Créer autrement : conseils aux futurs designers
Lors de la masterclass, Gauthier Borsarello a livré aux étudiants d’AV Paris plusieurs conseils pour entretenir leur éپé. Il nourrit la sienne par l’observation et s’appuie sur un mélange d’images Tumblr, de culture populaire et de la vie quotidienne. Il insiste : la vraie inspiration vient de la rue, des transports, des gens, et non des cercles fermés du luxe. « Se déconnecter du réel, c’est prendre le risque de ne plus comprendre le client final », insiste-t-il.
Il encourage les futurs designers à se cultiver, à apprendre à reconnaître ce qu’est un bon vêtement, neuf ou ancien, et à développer une véritable conscience du style. La ܰé est au cœur de sa démarche. Il invite les étudiants à acheter mieux et à garder plus longtemps. « Demandez-vous à chaque achat, s’il s’agit d’un vêtement que vous porterez longtemps. Porter un vêtement de fast fashion pendant dix ans c’est peut-être plus responsable qu’enchaîner les achats vintages mal choisis. La clé, c’est la cohérence et l’intention. »
Autre point de vigilance : la surabondance d’images en ligne, souvent perçue comme une richesse mais qui peut uniformiser la création. « On m’a dit une phrase récemment : “Quand c’est sur Internet, c’est mort.” Elle peut sembler radicale, mais elle traduit une réalité : si une image est trop facile à trouver, vous la verrez dans dix collections dans les six mois. »
Le défi, selon lui, n’est pas de suivre une tendance, mais de l’interpréter de façon personnelle, authentique. Convaincu que l’intelligence artificielle ne remplacera jamais la sensibilité humaine, Gauthier Borsarello croit à l’avenir d’une mode plus qualitative. Son message final aux étudiants : soyez vous-mêmes et prenez des risques.
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