Interview avec Alexandra Gunia, diplômée du Bachelor Fashion Marketing & Management
Publié le 15/10/2018
Passionnée par la mode depuis son enfance, Alexandra Gunia, née en Allemagne, polyglotte, globe-trotteuse et experte en chocs culturels après avoir vécu un peu partout – des Etats-Unis à la Suisse –, dirige depuis Paris les ventes à l'exportation de la marque de cosmétiques française By Terry. Nous l'avons rencontrée à Shanghai deux ans après l’obtention de son Bachelor Fashion Marketing.
Alexandra, vous êtes sans nul doute une fashion lover mais on voudrait d’abord en savoir davantage sur vous, sur votre vie et votre style de vie à Paris ?
Alexandra Gunia : Je suis arrivĂ©e Ă Paris il y a cinq ans, attirĂ©e par mon amour pour la mode. Mais j’ai aussi vite rĂ©alisĂ© qu’aimer faire du shopping chez Zara et Mango ne suffirait pas ! Il n’empĂŞche, j’ai toujours aimĂ© les vĂŞtements et adore jouer Ă m’habiller comme une enfant – mes parents dĂ©jĂ se fâchaient de me voir changer de tenue quatre Ă cinq fois par jour ! Je passais des heures Ă essayer de nouvelles tenues, coiffures ou maquillages – c’était très utile car je n’avais pas de frères et sĹ“urs et pouvais ainsi passer du temps seule. En un sens, dĂ©buter mon Bachelor Ă AVĚěĚĂ Paris m’a montrĂ© que je connaissais peu de choses Ă la mode et que des noms comme Azzedine AlaĂŻa ou un tissage sergĂ© m’étaient inconnus. Cela a changĂ© après avoir Ă©tĂ© jetĂ©e dans l’eau froide du bain et du cours de Marketing de la Mode Ă AVĚěĚĂ Paris – mĂŞme si Ă vrai dire le monde de la mode reste pour moi toujours aussi inaccessible et fascinant. Ayant surtout vĂ©cu dans de petites villes oĂą la mode imprĂ©gnait peu, j’ai toujours Ă©tĂ© « la fille qui se dĂ©marque. » J’ai beaucoup bougĂ© dans ma vie, onze fois prĂ©cisĂ©ment, jusqu’à m’installer Ă Paris. J’ai dĂ©testĂ© cela jusqu’au jour oĂą j’ai compris que tous ces changements me profitaient. Mais ĂŞtre une « nouvelle fille » tous les deux ans avec un style plutĂ´t « extraverti » n’a pas toujours Ă©tĂ© facile. Imaginez une jeune fille de 16 ans dans le village allemand de Mainz (Ă une heure de Francfort), portant des anneaux aux doigts, un minimum de quatre colliers de perles autour du cou et un sac de faux croco vert le premier jour Ă l’école ! J’avais l’impression de devoir m’adapter parce que ma vision de la mode ne correspondait pas au style de vie des petites villes. Aussi je m’imaginais dĂ©jĂ vivre plus tard dans de grandes villes. Paris a incarnĂ© ce dont je rĂŞvais depuis mon enfance – une mĂ©tropole pleine de glamour, de mystère et d’opportunitĂ©s.

Alexandra Gunia
Quand et comment votre histoire avec la mode, le style et le luxe a-t-elle débuté exactement ?
Alexandra Gunia : Je n’avais jamais travaillé dans le milieu de la mode avant de vivre à Paris – je me souviens bien de la première fois qu’il m’a été donnée d’approcher ce cercle exclusif : c’était comme assistante de l’équipe de vente en gros de la marque anglaise Matthew Williamson, connue pour son magnifique style brodé et féminin, au sein de son showroom, lors de la Fashion Week de Paris en 2014. J’ai alors eu la chance d’observer de près comment les choses se passaient, comment la mode était notamment vendue aux grands magasins. J’étais en coulisses pour habiller les mannequins, zipper leurs robes et boutonner leurs jupes. Je n’étais pas payée mais qu’importe alors ! L’essentiel était que j’avais mis mon pied dans cette industrie glamour. Les choses ont fusé, car quelques temps plus tard, je vendais des collections à des acheteurs avec des budgets de dix mille euros. Au début, j’avais l’impression de ne pas être censée avoir autant de responsabilités. J’avais peur de faire des impairs, de tout gâcher. Au final, je suis reconnaissante d’avoir eu autant de chance, en particulier avec la marque japonaise Issey Miyake qui m’a accordé sa confiance alors que je n’avais que 19 ans – j’étais la plus jeune vendeuse de showroom de leur équipe.
Vous avez obtenu votre Bachelor Ă AVĚěĚĂ Paris au printemps 2016. En quoi ces trois annĂ©es furent-elles indispensables, cruciales ?
Alexandra Gunia : Depuis la fin de mes Ă©tudes Ă AVĚěĚĂ Paris en juin 2016, j’ai eu la chance de multiplier les expĂ©riences en entreprises. J’ai beaucoup appris Ă AVĚěĚĂ Paris, Ă un moment oĂą l’école lançait le Bachelor Fashion Marketing : tels des « rats de laboratoire », nous explorions un nouveau pays avec les professeurs ! AVĚěĚĂ Paris m’a aidĂ© Ă m’épanouir comme le faisaient mes parents qui m’ont Ă©duquĂ© de la mĂŞme façon – et je leur suis grĂ© et les remercie pour cela. Je me suis finalement posĂ©e cette question : oĂą est mon chez moi ? OĂą est-ce que je me sens chez moi ? Pour moi, la rĂ©ponse n’a rien Ă avoir avec la situation gĂ©ographique, elle se conjugue en termes de sentiments. Ma maison actuelle, c’est Paris, oĂą j’ai façonnĂ© mes cinq dernières annĂ©es, dont trois Ă AVĚěĚĂ Paris. AVĚěĚĂ, c’était amusant. Très international : notre classe comptait 19 Ă©tudiants de 16 nationalitĂ©s ! C’était formidable de pouvoir ainsi Ă©tudier avec des gens venus du monde entier. Aussi, grâce Ă AVĚěĚĂ Paris, j’ai dĂ©couvert l’Asie, la Chine et Shanghai ! J’étais auparavant peu intĂ©ressĂ©e par l’Asie et le suis maintenant. J’ai dĂ©couvert en Chine un autre système de pensĂ©e, de nouvelles valeurs, de nouvelles morales. Grâce Ă AVĚěĚĂ Paris, j’ai dĂ©couvert Shanghai et j’adore !
HFM, Chanel, Condé Nast, Diesel, Issey Miyake... Vous avez connu tant d’expériences avant de rejoindre By Terry. Pouvez-vous dire deux mots de votre parcours professionnel ?

Alexandra Gunia
Alexandra Gunia : Quand vous étudiez le marketing de la mode, vous avez l’impression de pouvoir tout faire, alors que vous en savez si peu en réalité ! Le marketing commercial, les ventes, les acheteurs, les marchandiseurs, le commerce électronique – tout cela me semblait à chaque fois si complexe et d’autant plus éphémère que j’avais l’impression que je n’allais pas tarder à finir ailleurs et faire autre chose. Après avoir œuvré pour plusieurs showrooms de mode internationaux, j’ai eu la chance de rejoindre l’une des plus grandes maisons d’édition de mode au monde, Condé Nast. J’ai travaillé pour Vogue Allemagne à Paris, au contact quotidien des bureaux de presse parisiens et du siège à Munich. Ce stage m’a révélé de la mode des aspects différents de ceux que je connaissais. J’étais soudain impliquée dans des shootings de presse pour l’un de mes magazines préférés. Vogue a toujours représenté cette image sophistiquée. Vogue est différent dans chaque pays et j’ai apprécié le fait de pouvoir travailler pour la version de mon pays à Paris. J’ai tant aimé travailler au plus près, au cœur de la création – car il était essentiel de connaître la collection du moment de chaque styliste, les tendances à venir, les marques, les spots… C’était très mouvementé, mais c’est là l’aspect que j’aime le plus dans cette industrie. Après mes stages dans la vente et dans la presse, je ne savais plus trop quoi faire. Je n’ignorais pas que mon CV n’était encore assez solide. Alors j’ai tenté de me concentrer sur les lacunes que je pourrais combler avec mes compétences linguistiques. C’est ainsi que je suis arrivée chez Diesel à Paris, comme première assistante commerciale B to B pour tous les magasins et points de vente directs en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Cette expérience m’a beaucoup appris, surtout sur l’importance des opérations de la chaîne d’approvisionnement : gestion des livraisons, gestion des stocks et du traitement des commandes. Au bout d’un an, j’ai rejoint l’équipe comptable pour œuvrer sur la coordination de la vente au détail, l’analyse des ventes et la création de campagnes visant à renforcer les équipes de vente. Ces expériences ont été très enrichissantes. Mais j’ai senti que j’avais encore besoin d’élargir mon horizon et de me rapprocher du produit.

Alexandra Gunia
Cela explique que vous ayez rejoint By Terry. Analyse organisationnelle, opérations commerciales, gestion des commandes... Comment combinez-vous désormais toutes ces missions au quotidien ?
Alexandra Gunia : Je n’avais pas beaucoup réfléchi à l’évolution de l’industrie de façon générale, mais lorsque le poste chez By Terry s’est présenté, j’ai réalisé que l’univers de la beauté pourrait être un atout précieux pour mon parcours professionnel. Au départ, en rejoignant cette marque française de cosmétiques de luxe à l’occasion du remplacement d’une employée partie en congé de maternité, j’ai pris les choses comme elles venaient. Mes tâches comprenaient l’administration des ventes à l’exportation, beaucoup de gestion de commandes et de livraisons, ainsi que des suivis avec les clients. By Terry est une marque en pleine croissance, forte d’une identité de marque bien établie, d’une clientèle et d’un marché en pleine évolution. J’ai commencé en mars à m’occuper des marchés européens ainsi que de l’Europe de l’est, soumis à des réglementations très spécifiques, ce qui rend d’ailleurs ces marchés difficiles. Les choses ont évolué rapidement et six mois plus tard, je me suis vue proposer un poste plus élevé et permanent, qui comprenait de nouvelles tâches plus axées sur la coordination de différents marchés. On m’a alors confiée l’Angleterre, qui est l'un de nos plus gros marchés (Harrods, Selfridges, The Hut Group, pour ne citer que quelques-uns des points de vente), ainsi que le travel retail, qui est un segment en plein essor pour By Terry. Je suis heureuse de travailler pour une marque française et avec une clientèle aussi internationale. Le multiculturalisme me motive beaucoup au quotidien. On apprend tellement les uns des autres, que ce soit dans un contexte professionnel ou non professionnel.